Les prix de l’immobilier ont-ils déjà commencé à baisser ?
Depuis maintenant 20 ans, en particulier à Paris, les Français se sont habitués à des prix immobiliers qui ne pouvaient que monter. Et si la fin de la récré avait sonné et la phase baissière déjà commencé ?
La stagnation voire la baisse des prix de l’immobilier est déjà une réalité
Paris était jusqu’à récemment le point le plus chaud de la hausse des prix. Songez-y, les prix de l’immobilier parisien ont été multipliés par 3,5 en 20 ans ! Pourtant, depuis le mois dernier, les prix stagnent, et ce alors qu’il n’y a jamais eu aussi peu d’offres qu’aujourd’hui. En avril 2018, les prix n’ont pris que 0,1% à Paris comme le souligne MeilleursAgents.com sur la base des compromis signés, contre un rythme annuel qui était de près de 10% jusque là. La banlieue parisienne est, elle, dans un scénario plus rouge de baisse des prix. Interrogé pour la préparation de cet article, un agent immobilier nous confirmait quant à lui qu’à Paris 17e, il subissait un coup d’arrêt prononcé depuis mi-avril, avec une demande qui s’effritait.
En province, la situation n’est pas plus rose, puisque hors Lyon ou Rennes, les évolutions de prix sont à peine positives ou clairement négatives dans les métropoles régionales et en baisse continue en milieu rural. Un diagnostic sur lequel coïncident les notaires et MeilleursAgents.com
Les facteurs de hausse des prix sont à l’arrêt
Si les prix ont autant montés depuis le début des années 2000, c’est que les taux d’intérêts ont été maintenus artificiellement bas par des banques centrales au bilan discutable. Là où l’on empruntait à 7% à la fin des années 1990, on emprunte à 1% aujourd’hui, ce qui a augmenté massivement la capacité d’achat des Français.
Ce levier est désormais grippé alors que les taux sont à leur plus bas quasi incompressible. Ils ne baissent plus et ne suffisent plus à compenser des prix immobiliers élevés, comme le constatait Les Échos. Pire, le volume de crédits immobiliers est orienté très sensiblement à la baisse depuis plusieurs mois désormais, comme le soulignait l’observatoire Crédit Logement le 11 mai :
Les banques commencent à proposer des crédits sur 30 voire même 35 ans pour tenter d’apporter un peu d’oxygène à un marché immobilier à bout de souffle. À 220 mois, la durée moyenne d’emprunt tutoie son record historique de 225 ; aujourd’hui 41% des moins de 35 ans empruntent sur plus de 25 ans… Des durées qui font peur et ne suffisent pourtant plus : en un an, la production de crédits immobiliers en valeur a chuté de 7,2%. En nombre, la chute est de 15%, et les banques voient toujours rouge pour le futur :
En outre, les aides à l’accession à la propriété ont été (enfin !) réduites par le gouvernement, qui a supprimé les APL Accession ou réduit fortement le Prêt à Taux Zéro, qui contribuaient à faire monter les prix. L’impact sur les premiers achats est déjà visible, et risque de se répercuter rapidement sur les biens plus grands par ricochet.
À ces facteurs financiers s’ajoutent des facteurs politiques, qui n’ont aucune raison de se calmer.
Une volonté politique affichée de pénaliser l’immobilier
Emmanuel Macron ne s’est jamais caché de vouloir pénaliser l’immobilier voire de faire descendre carrément les prix. Si l’ISF a ainsi été supprimé, c’est pour être remplacé par son équivalent, l’IFI, assis uniquement sur l’immobilier. Objectif, encourager les ventes d’immobilier et le réinvestissement en actions en particulier. De même, la suppression de la taxe d’habitation et la hausse probable de la taxe foncière pénalisent plus encore les propriétaires immobiliers, tirant les prix vers le bas.
Surtout, dans son programme, Emmanuel Macron annonçait viser « un choc d’offre, afin de tasser les prix là où les besoins sont les plus grands, en détendant les règles de constructibilité au maximum et en accélérant les procédures, y compris en limitant les possibilités de recours ». Même si l’on attend encore les premiers effets et les mesures autres que symboliques, le succès de ce plan imposerait lui-aussi une pression à la baisse des prix.
Sur les HLM, qui font eux aussi monter les prix de l’immobilier, nombreux sont ceux à LREM qui ne cachent pas leur souhait de privatiser une partie des HLM existants, comme illustré par les voeux sur le sujet, déposés au Conseil de Paris par différents élus macronistes. Une volonté bienvenue quand on sait qu’à Paris et en 2017, plus de 3 500 personnes ont refusé les HLM qu’on leur proposait… On construit des HLM par idéologie là où les Français n’en veulent pas, juste pour satisfaire des objectifs absurdes.
Pourquoi il faut se réjouir si les prix immobiliers baissent
Baisse des prix rime cependant rarement avec joie dans la mentalité des Français. C’est une erreur, car les prix élevés de l’immobilier pénalisent les investissements dans des ressources bien plus productrices de valeur, comme les actions d’entreprise.
Alors que, selon la dernière livraison du baromètre ING, 55% du patrimoine des Français est investi dans l’immobilier et plus de 30% dans des actifs sans risque, une baisse des prix de l’immobilier réorienterait peut-être enfin des ressources sous-utilisées vers des placements générateurs de croissance et de prospérité, tout en réduisant les différences massives de richesse entre des baby boomers privilégiés et des classes jeunes qui paient aujourd’hui la double peine.
Lire aussi :
- Michel Mouillart (FRICS) : marchés du logement, la fin des jours heureux, Immoweek
- Notre dossier spécial immobilier